Passer la frontière… en 1842
Un curieux passeport
En 1842, Pierre Nicolas Berthet, ascendant de la lignée familiale et résidant à Montvalezan (Royaume de Piémont-Sardaigne), souhaite se rendre à saint Chaumon (France) – s’agit-il de St Chamond (Loire) ? – comme journalier et sollicite donc l’obtention d’un passeport pour passer en France.
Le document, au format 45×30 cm est original à plus d’un titre.
Le préambule du passeport tout d’abord, reproduit ci-dessous, rappelle l’importance protocolaire de l’ordonnateur du passeport : il s’agit de Louis Clément Solar de la Marguerite, comte Solaro (1792-1869), premier secrétaire du roi et ami du pape. Son ascendance est à rechercher dans la famille de Soliers (ou de Saliers).
Ce préambule peut être traduit ainsi : « Au nom de S.M. le Roi de Sardaigne, Nous, Don Clément Solar Comte de la Marguerite, Chevalier de la Grand Croix décoré du Grand Cordon de l’Ordre Royal et Militaire des Saints Maurice et Lazare, Grand Croix de celui de Saint Grégoire le Grand, de l’Ordre Royal Américain, d’Isabelle la Catholique et de Léopold de Belgique, Chevalier de l’Ordre Pontifical du Christ, Premier secrétaire d’état pour les Affaires Extérieures, Notaire de la Couronne, Surintendant général des Postes Royales… ».
Ensuite le corps principal du passeport est rédigé pour partie en italien et pour partie en français !
« Accordiamo questo passaporto au nommé Berthet Pierre Nicolas, natif de Montvalezan…. ». Plus loin, la description des caractères physiques du personnage est aussi rédigée en deux langues comme on peut le lire ci-dessous : « Età di trente deux anni ; Capelli chatains ; Fronte couvert…. ».
L’originalité de ce passeport tient précisément à l’usage des deux langues pour ce document administratif.
C’est qu’à la suite de l’édit de Rivoli du 22 septembre 1561, le Duc de Savoie et Prince de Piémont, Emmanuel-Philibert (1528-1580), dit « Tête de fer », substitue le français au latin comme langue administrative dans les actes des tribunaux en Savoie et dans la vallée d’Aoste. En même temps, il impose l’Italien dans ses terres du Piémont et dans le comté de Nice. [Carlo Moriondo, Testa di ferro, vita di Emanuele Filiberto di Savoia, Bompiani, Milano, 1981].
Dès le XVIe siècle, la langue de l’élite savoyarde devient ainsi le français.
Pour finir, il est écrit que la validité de l’acte est de un an et que son coût est d’une lire nouvelle du Piémont.