Battre une faux
Pin, pin, pin fait le marteau sur la faux.
Lorsque la faux d’un faucheur croisait un caillou dans un pré, quelques jurons bien sentis s’en suivaient… en patois… ça va de soi ! La faux perdait une partie de sa puissance de coupe, et si les cailloux s’avéraient trop présents l’affutage de la lame devenait indispensable.
On affutait sur place debout, faux à la main, à l’aide d’une pierre très dure, plus dure que l’acier de la faux. La meule, pierre locale de nature gréseuse, à grain fin est aussi appelée la pierre lombarde. La meule mouillée, vigoureusement frottée de part et d’autre de la lame, fonctionnait comme un abrasif pour restituer momentanément un certain fil coupant à la faux, l’eau lessivant plus ou moins les débris arrachés de la faux mais aussi de la pierre !
L’étui de cette pierre « un covir » en patois, pouvait être une corne de vache ou bien un objet en bois, soigneusement travaillé et peint comme on le voit sur les photos. Le « covir », contenait de l’eau et la meule. Muni d’un crochet, il était pendu dans le dos, au ceinturon du paysan.
En fin de journée cependant la lame de la faux méritait un véritable aiguisage, il fallait « battre la faux ».
Battre une faux, c’est-à-dire lui refaire un fil coupant, n’est pas à la portée du premier venu ! Les hommes du village avaient cette spécialité ! Ils s’asseyaient sur une veste posée sur l’herbe, jambes écartées encadrant une enclume miniature, laquelle supportait la lame de la faux disposée à l’envers.
L’enclume était directement fichée en terre, un dispositif métallique débordant à mi-hauteur du pied de l’enclume l’empêchant de s’enfoncer trop profondément. A l’aide d’un petit marteau à bords particuliers, ils frappaient par petits coups régulièrement la partie coupante de la faux et l’affinaient progressivement pour qu’elle devienne comme le fil d’un rasoir acéré et continu. Un petit coup de marteau de trop sur une portion de lame déjà très fine… et le fil était rompu et la lame plus fragile. Impatients s’abstenir.
Enclume et marteau ne pouvant aller l’un sans l’autre, un lacet de cuir les liait ce qui facilitait leur transport, directement sur l’épaule ! En patois, l’ensemble constitue « les martelleuses »
Et le saviez-vous : jusqu’en 1932, le Dictionnaire de l’Académie recommandait l’écriture du mot « faux » avec un l précédant le x, « faulx » ! (Le Robert, Dictionnaire de la langue française, 1ère édition, 1999).